Qui n’a pas abandonné Jésus ?
Ou le courage des femmes…
Jésus n’a pas été abandonné de tous ses disciples. Les récits évangéliques de la Passion attirent l’attention sur la présence de certains, ou plutôt de certaines. « Des femmes aussi sont là ; elles regardent de loin. Parmi elles, Miriâm de Magdala, Miriâm, celle de Ia’acob le petit et de Joseph, et Shelomit. Ce sont les femmes qui le suivaient et le servaient quand il était en Galil ; et beaucoup d’autres aussi, qui étaient montées avec lui… » C’est ce que signale Marc dans son évangile (15, 40-41). Luc et Matthieu font de même. Les synoptiques filment la scène au grand angle : la caméra de Luc, éloignée des croix, balaie le paysage, donnant à voir « tous ceux qui étaient arrivés en foule pour ce spectacle » (v. 48), puis le groupe des disciples « se tenant au loin ».
La caméra de Jean est, quant à elle, proche du Calvaire. Elle cadre quelques familiers de Jésus qui ont quitté le groupe des disciples pour venir tout près de la croix, chose dont les synoptiques ne parlent pas.
« On est porté à croire qu’ils étaient d’abord restés assez loin de l’effroyable spectacle, mais que, plus tard, ils se rapprochèrent de la croix. Les soldats n’avaient aucune raison d’en empêcher le petit groupe de parents et d’amis, puisque le crucifiement était achevé et la mort toute proche » (J. Blinzler).
La scène qui se déroule alors est un sommet de l’Evangile de Jean (Jn 19, 25-27) : « Se tiennent près de la croix de Jésus, sa mère, la sœur de sa mère, Marie, celle de Clôpas, et Marie de Magdala. Jésus voit donc la mère, et près d’elle l’adepte qu’il aime. Il dit à la mère : “Femme, voici ton fils“. » Ensuite, il dit à l’adepte : “Voici ta mère“. » « Jésus dit que tout est accompli. » (Jn 19, 28).
Un homme en croix, peut-il parler ainsi ?
« Dans le traité de la Mishnah Yevamot 16, 3b, on spécifie que le certificat de décès d’un crucifié tant que celui-ci est attaché à la croix est sans valeur: on suppose donc « qu’un crucifié peut survivre encore assez longtemps, et, même dans sa terrible situation, prendre des dispositions concernant ses dernières volontés, comme le fit Jésus d’après Jn 19, 26 » » (J. Blinzler, citant K. H. Rengstorf).
Jésus agonise et meurt
Jésus mourra en trois heures environ, à la surprise de Pilate lui-même (Mc 15, 44). Sa mort sera donc très rapide. Plus rapide en tout cas que celle des deux autres crucifiés de ce jour—là, à qui les soldats devront briser les tibias pour les empêcher de se soulever pour respirer.
Il n’était pas rare, d’après Origène, de les voir survivre toute la nuit et la journée suivante. Un texte arabe affirme qu’en 1247, à Damas, un crucifié avait duré jusqu’au surlendemain. D’autres survies plus longues sont citées avec moins de certitude. Il est même arrivé qu’on dépendît des crucifiés, qui survécurent. On cite le cas d’un magistrat de Darius et celui de Chéréas. Mais l’exemple raconté par Josèphe est le plus intéressant. Pendant le siège de Jérusalem, en 70, trois de ses amis furent faits prisonniers par les Romains en son absence et mis en croix. Revenu, le soir, au camp romain, il demanda aussitôt à Titus et obtint leur grâce ; on les descendit de leur croix. Deux d’entre eux ne purent être rappelés à la vie par les médecins, mais le troisième survécut. Or, les deux premiers avaient été encloués et le suivant n’avait été attaché qu’avec des cordes… Les encordés, dit Josèphe, agonisaient moins vite que les encloués et pouvaient plus facilement être ranimés » (P. Barbet).