A la recherche d’un film perdu…
Réponse à l’article incendiaire de La Croix à l’encontre du film « La Résurrection du Christ » de Kevin Reynolds
Il en est parfois comme du corps du Christ ressuscité et comme de Clavius : on reste sceptique dans ce qu’on croit être une mystification. Car quand on lit la critique du film « la Résurrection » de La Croix, on a l’impression qu’un film a été enlevé du fond d’une salle obscure, et remplacé cette fois par un autre. Dans La Croix (3 mai 2016), en effet, aucune concession, aucune qualité, c’est décrété : le film « La Résurrection du Christ » est nul, annoncé invisible (à ne pas voir), rien ni personne ne pourra le sauver. Crucifié. A laisser dans le tombeau de sa crèche, à peine sorti sur la toile. Que ses langes deviennent son linceul ! A croire qu’Arnaud Schwartz, auteur de cette bafouille d’une excessivité telle qu’elle en perd bien du crédit dans la passion qu’elle implique, n’a pas vu le même film que nous.
J’écarquille les yeux, je cherche à comprendre : vraiment, la sortie de « la Résurrection » n’est pas une bonne nouvelle, n’a rien pour plaire à un journal catholique, n’a aucune qualité même artistique ? On implore grâce sous ce suaire littéraire de l’article où Arnaud Schwartz a cherché toute la palette de comminations qu’il ait jamais assemblés : « mauvais péplum », « sans subtilité », « affligeant », « injure pour le sujet », « ton donné dès le générique », « dialogues indigents ou boursouflés », « grotesque », « kitch » ; même « la musique est insupportable ». Le réalisateur Kevin Reynolds (Robin des Bois prince des voleurs, Waterwold….) n’a vraiment pris que des bras cassés pour ce film ! Surtout que les lecteurs (catholiques) de La Croix n’aillent pas voir le film !
C’est drôle, mais cela me rappelle la descente en flamme, il y a 12 ans, d’un autre film parlant du Christ : la « Passion » de Mel Gibson. Film que, justement, Arnaud Schwartz mentionne au début de sa critique. En établissant ainsi un lien. Un film qui a connu un des plus gros succès de l’histoire du cinéma, mais qui avait été condamné lui aussi, traité de presque « pornographique » ou « anti-chrétien » dans les lignes de « La Croix » (Bruno Frappat, citant Paul Valadier, 3 avril 2004).
Car finalement, qu’est-ce que « La Croix » reproche aux deux films ? Que reprochait-on à « la Passion », qui ressorte ici aussi ? Relisons Arnaud Schwartz, car il l’exprime sans détour : c’est « l’ultra-réalisme » du film. Le mot est lâché, la clé de sa hargne est là. Voilà ici sans doute le péché sans rémission de la Passion et de la Résurrection, leur point commun qui en fait des frères jumeaux maudits. A montrer de manière trop réaliste la Passion et la Résurrection du Christ, la même « erreur » est faite : c’est raconté comme si cela avait eu lieu ; on casse le rêve sulpicien, le joli conte pour enfants des évangiles, qui devrait rester dans l’imaginaire, dans le ton guimauve des films du siècle passé. Les corps se mettent à suer, à sentir, dans des scènes plus haletantes, bref : à devenir vivants. Je cite : « Les mouches volent au-dessus des charniers, la sueur et la crasse sont partout, Clavius commente la longueur des clous de la croix et décrit le processus de mort lente ». On oublie que de nos jours, la plupart des films prennent un soin tout particulier à soigner le détail, y compris le plus morbide, au vu des techniques de projection numériques sur grand écran (il en va de même pour les jeux video). Les esprits les plus jeunes se sont habitués, une culture réaliste s’est développée au milieu des effets spéciaux, et la thématique d’un homme mort par le supplice nécessite de s’inscrire dans ces évolutions, qu’on le veuille ou non, liées à la culture cinématographique comme aux techniques nouvelles de réalisation.
Arnaud Schwartz a peut-être du mal à supporter ce réalisme, comme jadis les docètes avaient eu du mal à accepter que Dieu, cet Etre incommensurable, ait pu s’incarner, ou souffrir réellement sur une croix, dans une histoire réelle, concrète, avec « de la sueur et des mouches ». Il n’avait pas pu mourir sur une croix. Folie aux yeux des hommes. Car c’est bien ce qui caractérise le christianisme et qui bouscule toute compréhension humaine : si Dieu par la personne du Fils a pu s’incarner en rejoignant notre humanité, alors il a sué, il a souffert, il a partagé l’histoire des hommes avec le plus pur réalisme. Mais dès les débuts du christianisme, concevoir qu’un Dieu se mette dans l’histoire au niveau des hommes a été rejeté, et le Grand Horloger de Voltaire nous a ramené au concept de ce Dieu qui laisse l’Homme se débrouiller dans une liberté absolue. Alors faut-il pour autant tout rejeter sans nuance d’un film qui a certes quelques défauts (on aurait pu relever notamment les écarts d’avec les Ecritures), mais point trop n’en faut quand on le regarde sans… passion. Car ce film appuie l’idée géniale du christianisme d’un Dieu ayant rejoint l’humanité au point d’en mourir et d’en ressusciter concrètement dans l’Histoire, qui est plus qu’une idée mais une Personne, et dont nous recherchons les traces aujourd’hui, comme Clavius, en allant contempler la tunique d’Argenteuil, le suaire de Turin, dans les rencontres avec nos frères, ou derrière un pilier au fond d’une église. A ce titre il ne peut laisser totalement indifférent, jusque dans sa dimension esthétique ou dans son scénario.
F. Biju-Duval
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