La critique du Frère Philippe Jaillot
Critique du Frère dominicain Philippe Jaillot parue sur Le Jour du Seigneur. Extraits presque intégraux.
(…) J’ai vu ce film, arrivant avec quelques interrogations préalables : comment montrer l’Evangile, et surtout la résurrection du Christ à l’écran ? Est-ce que cela sera respectueux ? Quel est l’objectif d’un tel film ? Le réalisateur, Kevin Reynolds, est très clair là-dessus :
« Nous voulions que tous ceux qui ont la foi se sentent représentés de façon juste. Mais si vous ne croyez pas, toute l’action de ce film et les grandes scènes dramatiques vous procureront tout le divertissement dont vous rêvez. Il est hors de question de dire à qui que ce soit que croire. Les gens peuvent s’appuyer sur ce film pour interroger leur propre spiritualité, ou simplement l’apprécier comme un pur divertissement cinématographique ».
Je pense que le pari est gagné et pour ma part, en appréciant le divertissement, je l’ai regardé comme croyant, ami du Christ, lui qui est mort et ressuscité par amour pour nous sauver.
Mais je me suis rendu compte que si j’avais quelques appréhensions sur le respect de l’Evangile, je suis entré avec joie dans le film grâce aux personnages ajoutés, et surtout le personnage principal : un tribun romain, un incroyant, à qui il est demandé de chercher le corps de Jésus, pendant les quarante jours qui séparent sa mort de son Ascension. Or cet homme va faire du chemin, dans tous les sens du terme. Du chemin de Judée en Galilée. Il va faire du chemin dans sa tête. Il va s’opposer aux croyants mais aussi se laisser bousculer dans sa foi. Son cœur va avancer. Ce personnage est l’irruption de tout croyant d’hier ou d’aujourd’hui dans une histoire qui semble ancienne et dans un Evangile qui est de tout temps. Et ce personnage est aussi l’irruption de tous ceux qui peuvent chercher la liberté et le sens de la vie. Ce film peut donc aussi être un chemin. J’ai envie de dire qu’il est sans prétention, mais qu’il a de justes ambitions.
La version française s’appelle « La résurrection du Christ ». Au fond, je regrette que le titre anglais n’ait pas été repris en sa traduction littérale : « Risen ». « Ressuscité ».
- Premièrement car le film n’est pas là pour décrire ce qui s’est passé, même si pour les personnages concernés, il s’est bien passé quelque chose qu’on appelle « la résurrection ».
- Deuxièmement car la résurrection du Christ ouvre à bien plus que la résurrection du Christ. Elle ouvre une brèche dans la mort de chacun. Et elle ouvre déjà une brèche dans la vie de chacun ici-bas. « Risen », c’est « relevé ». Chacun, ici, est déjà « relevé », déjà « ressuscité » quand il se laisse gagner par la foi en la résurrection du Christ. Dans le film, le Christ ouvre déjà la suite, le relèvement des apôtres remplis de joie, le relèvement du personnage fictif qui nous représente, et qui est profondément bouleversé.
- Troisièmement, le titre « ressuscité », tout en laissant chacun libre d’entrer dans ce mouvement de relèvement, est aussi très théologique. Dans l’Evangile et les Actes des Apôtres, on dit de Jésus qu’il est « ressuscité »… Il a été « ressuscité ». Dans une telle formulation, la question qui nous vient est : « Par qui ? » La réponse est un mystère profond, mais si je me la pose authentiquement, elle me renvoie au Père, à la source de la Vie, à ma propre résurrection qui est l’œuvre du Père en son Fils.
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